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Mon chien est réactif : que faire ?

Par Jordi Boggione, éducateur canin et comportementaliste – Jo & Dog

berger australien qui montre les dents

La scène est familière : vous promenez votre chien, tout semble paisible, puis soudain il se fige, tire sur la laisse, aboie ou grogne à la vue d’un autre chien, d’un vélo ou d’un bruit inattendu. Ces réactions peuvent être impressionnantes, voire déroutantes. Pourtant, elles ne traduisent ni de la méchanceté ni un manque d’éducation.

Mon chien est réactif ça ne veux pas dire qu'il est “agressif” : il est en difficulté émotionnelle. La réactivité canine est un sujet complexe, mêlant éthologie, neurosciences et apprentissage. La comprendre, c’est déjà amorcer le changement.


Mon chien est réactif : comprendre sa réactivité canine

La réactivité se définit comme une réponse émotionnelle disproportionnée à un stimulus, souvent motivée par la peur ou la frustration.Selon une étude de Blackwell et al. (2013), il s’agit d’une “réponse comportementale amplifiée à une émotion négative”. Ce n’est donc pas un problème de dominance ou d’obéissance, mais de gestion émotionnelle.

Un chien réactif cherche avant tout à reprendre le contrôle d’une situation qu’il perçoit comme menaçante. Ses aboiements, ses grognements ou sa tension sur la laisse sont souvent des stratégies de mise à distance, des signaux d’inconfort qu’il est crucial d’entendre avant qu’ils ne s’intensifient.


Les causes d’un comportement réactif

Une socialisation précoce insuffisante

La période de socialisation, entre 3 et 14 semaines, joue un rôle déterminant dans la stabilité émotionnelle du chien. Fox et Stelzner (1966) puis Serpell et Jagoe (1995) ont démontré qu’un chiot peu exposé à la nouveauté ou à des interactions positives aura plus de risques de développer des peurs et une réactivité adulte.

Des expériences négatives

Un bruit violent, une agression ou une punition brutale peuvent laisser une empreinte émotionnelle durable. Beerda et al. (1998) ont montré que les chiens exposés à des situations stressantes répétées présentaient un niveau de cortisol plus élevé et des réactions accrues face à l’environnement.

Une sensibilité émotionnelle propre à chaque individu

Certaines races, comme le Shiba Inu ou le Berger Australien, sont réputées plus sensibles. Svartberg & Forkman (2002) soulignent que la personnalité canine joue un rôle majeur dans la façon dont un chien perçoit et gère le stress.

Des interactions humaines inadaptées

Un chien incompris ou corrigé sévèrement peut associer certaines situations à de la peur. Hiby, Rooney & Bradshaw (2004) ont démontré que les méthodes coercitives augmentaient la peur et l’agressivité, alors que les approches basées sur le renforcement positif favorisent la confiance et la coopération.


Ce que ressent un chien réactif

Les découvertes du neuroscientifique Jaak Panksepp (2011) ont montré que les structures cérébrales impliquées dans les émotions sont comparables chez le chien et chez l’humain.Peur, frustration, colère ou joie : ces émotions ne sont pas des projections anthropomorphiques, mais des réalités biologiques.Ainsi, un chien réactif vit une émotion intense qu’il ne sait pas encore réguler. Il n’a pas besoin d’être “rappelé à l’ordre”, mais d’être aidé à retrouver de la sécurité.


Comment aider un chien réactif

Le bilan comportemental : première étape essentielle

Avant d’entreprendre un travail éducatif, il est indispensable d’évaluer la cause de la réactivité.Le bilan comportemental permet d’analyser les déclencheurs, le seuil de tolérance et les émotions associées.Chez Jo & Dog, ce bilan est toujours réalisé avant de proposer un programme d’éducation (Basic Dog, Advanced, etc.), afin d’assurer un accompagnement sur mesure et adapté au profil du chien.

Le travail sous le seuil de réactivité

Patricia McConnell (2002) a popularisé une approche fondée sur la désensibilisation et le contre-conditionnement.Le principe : exposer le chien à une distance où il perçoit le déclencheur sans réagir, puis associer cette expérience à une émotion positive. Peu à peu, le stimulus cesse d’être perçu comme une menace.Ce travail, progressif et précis, repose sur l’observation fine du langage canin et sur le respect du rythme de l’animal.

Renforcer le calme et la concentration

Les exercices d’autocontrôle, la recherche olfactive ou la mastication naturelle contribuent à réguler les émotions. Horwitz & Mills (2009) ont démontré leurs effets bénéfiques sur la baisse du stress et la stabilisation comportementale.

Bannir les méthodes punitives

Les études convergent : les approches coercitives augmentent les comportements indésirables.(Hiby et al., 2004 ; Herron et al., 2009 ; Casey et al., 2014).Le travail doit au contraire reposer sur la bienveillance, le respect et la cohérence pour restaurer la confiance et favoriser un apprentissage durable.


Le rôle du vétérinaire comportementaliste

Dans certains cas, la réactivité du chien est liée à une anxiété pathologique ou à une hypersensibilité émotionnelle importante.Lorsque le stress devient chronique ou que le chien ne parvient plus à progresser malgré un travail éducatif adapté, il est alors recommandé de consulter un vétérinaire comportementaliste.

Ce professionnel, formé à la neurobiologie et à la psychopharmacologie, peut évaluer si un accompagnement médical temporaire (par exemple via des anxiolytiques ou des régulateurs de l’humeur) est nécessaire.L’objectif n’est pas de “sédater” le chien, mais de réduire son niveau d’anxiété afin qu’il puisse bénéficier pleinement du travail comportemental mené par l’éducateur.Les études (Horwitz & Mills, 2009) montrent que cette approche combinée — thérapie comportementale et soutien médical — peut améliorer significativement la qualité de vie du chien et accélérer les progrès.


Les conseils de notre éducateur canin comportementaliste

  1. Restez calme : votre propre émotion influence directement celle de votre chien.

  2. Augmentez la distance dès les premiers signes d’inconfort, avant que la réaction n’explose.

  3. Valorisez les bons comportements : chaque regard calme, détour du regard ou reniflement mérite une récompense.

  4. Proposez des activités apaisantes : promenade olfactive, jeux de flair, mastication naturelle.

  5. Ne travaillez pas seul : un accompagnement professionnel permet de progresser sereinement et de respecter les étapes nécessaires.

  6. N’hésitez pas à consulter un vétérinaire comportementaliste si la peur ou le stress restent trop présents : dans certains cas, une aide médicale est un véritable levier thérapeutique.


En résumé

La réactivité n’est ni un défaut, ni une fatalité. C’est le reflet d’un déséquilibre émotionnel que le chien exprime à sa manière.Grâce à une approche respectueuse, fondée sur la science et la compréhension du comportement, il est possible d’aider ces chiens à retrouver confiance et sérénité.

Le travail main dans la main entre éducateur comportementaliste et vétérinaire comportementaliste est souvent la clé du succès : l’un agit sur l’émotion, l’autre sur l’apprentissage, dans un objectif commun — le bien-être de l’animal et l’harmonie du duo humain-chien.


Sources principales : Beerda B. et al. (1998). Behavioural and hormonal indicators of chronic stress in dogs. Applied Animal Behaviour Science, Blackwell E.J. et al. (2013). The relationship between training methods and the occurrence of behavior problems. Journal of Veterinary Behavior, Casey R.A. et al. (2014). Human directed aggression in domestic dogs. Applied Animal Behaviour Science, Hiby E.F., Rooney N.J. & Bradshaw J.W.S. (2004). Dog training methods: their use, effectiveness and interaction with behaviour and welfare. Animal Welfare, Horwitz D. & Mills D. (2009). BSAVA Manual of Canine and Feline Behavioural Medicine, Panksepp J. (2011). The Archaeology of Mind, Serpell J. & Jagoe J.A. (1995). Early experience and the development of behaviour, Svartberg K. & Forkman B. (2002). Personality traits in the domestic dog.


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